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8 nov. 2022

PROCESSUS : L'Usine de guimauves

Comment j’ai illustré mon premier livre

Fin janvier 2022, une éditrice me contacte avec un projet d’album jeunesse… Le 18 octobre de la même année, il sort en librairie. Mais que s’est-il passé entre ces deux dates ? Laissez-moi vous raconter le processus derrière l’illustration de mon premier livre, L’Usine de guimauves, écrit par Camille Collaudin et publié aux Éditions Petit Kiwi.

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Couverture du livre *L’Usine de guimauves* sorti le 18 octobre 2022

L’Usine de guimauves

Alice Bellecorne vit dans un merveilleux village de nuages. Un jour, M. Moustachecorne décide d’y ouvrir son usine de guimauves ; très vite, toutes les licornes dégustent ces sucreries. Mais elles en demandent toujours plus ! Petit à petit, Alice et ses amis se rendent compte que les nuages et les arcs-en-ciel, nécessaires à la fabrication des guimauves, viennent à manquer… Parviendront-ils à trouver une solution pour préserver les ressources du village ?

Livre disponible en français en librairie indépendante, en magasin culturel (Fnac, Cultura, Amazon, Espace culturel Leclerc)… En France, Belgique, Suisse et au Canada (Québec) !


Quelque chose dont je suis très fière s’est passé, comme vous le voyez en avant-propos de cet article : le 18 octobre 2022, le premier album que j’ai entièrement illustré, L’Usine de guimauves est sorti en librairie. Ça m’a fait un bien fou de le voir en papier, puis de le voir en rayon, c’était très validant pour moi qui aie tendance à avoir un syndrome de l’imposteur.

Alors, comme j’ai consommé énormément de contenu autour du processus de création de livre pour mieux comprendre cet angle du métier d’illustrateur (et pour me faire rêver), il est tout naturel pour moi de prendre le temps de rédiger mon propre article. C’est ma façon de faire ma part pour cette communauté d’artistes.

Laissez-moi donc vous raconter les coulisses de l’illustration ce livre ! 🙂

Négociation 📝

Le 26 janvier, à 14h14, je reçois un mail de Marine Bourasseau (alors éditrice chez les éditions Kiwi/Petit Kiwi, aujourd’hui freelance) : elle m’explique la ligne éditoriale de la maison d’édition -des livres engagés qui parlent de sujets peu voire pas abordés dans la littérature jeunesse-, puis elle pitch l’histoire qu’elle me voit illustrer en se basant sur mon portfolio. Mon coeur ne fait qu’un tour ; elle parle d’écologie, d’amitié, de licornes, de sucre et de couleur. J’adore.

S’ensuit alors la période de négociation, elle me fait lire le manuscrit, me partage le budget et les modalités du contrat d’édition. Pendant cette période, nos communications sont assez formelles, on y parle de remise de fichiers, de droits d’auteur, de clauses de contrat… Ce n’est pas forcément la partie la plus fun du processus mais il est nécessaire que tout le monde soit en accord pour entamer le projet.

Après la signature, j’ai attendu les détails techniques des illustrations (taille, format de fichier, profil colorimétrique, fond perdu et zone de tranquillité) pour me lancer dans la seconde phase du programme.

Veille & Préparation 🧭

Cette étape est discrète, je l’ai faite de mon côté sans forcément en parler à l’éditrice qui elle travaillait avec l’auteur, Camille Collaudin, pour perfectionner le texte.

C’est la période pendant laquelle je me suis familiarisée avec le sujet même du projet. J’ai fait une espèce de “veille technologique” : j’ai regardé parmi les livres d’ores et déjà sortis à quoi ressemblait une licorne, comment était représentée la pollution, ou les nuages. À ce moment-là, c’était important pour moi de voir comment le style graphique changeait en fonction de l’âge du lecteur. Avec un texte pareil, qui parle d’un sujet sérieux (la surconsommation) dans un monde sucré, je savais que j’aurais un équilibre à trouver entre vulgarisation et fantaisie.

J’ai aussi profité de ce temps pour préparer logistiquement la création à venir : j’ai décidé d’utiliser Notion pour tenir l’auteur au courant de ma progression, j’ai préparé la page du projet dans mon bullet journal, et j’ai organisé les fichiers sur mon cloud en sachant qu’ils allaient se remplir de couleurs.

Recherches 🎨

Lors d’une visioconférence, j’ai rencontré Camille et fais plus ample connaissance avec Marine, et, ensemble, nous avons parlé de ce fameux livre. Nous avons évoqué l’esthétique qu’on imaginait, nos inspirations, le message qu’on cherche à faire passer, la toile de fond de l’histoire… Et j’ai enfin pu prendre les pinceaux, enfin la tablette graphique et les carnets. Le but était de construire le dictionnaire iconographique du livre.

Je me posais des questions comme :

  • Comment différencier une jeune licorne d’une licorne agée ?
  • A quoi ressemble un bâtiment qui contient à la fois un magasin de sucreries et une usine ?
  • Quelle est la personnalité des différents protagonistes ? Et comment elle impacte leur design ?
  • Quelles couleurs exactes composent un arc-en-ciel dans une athmosphère pastel ?

J’esquisse alors le contexte dans lequel se passe l’histoire. Je pense que c’est mon amour du worldbuilding (ou la construction d’univers) dans le jeu de rôle qui me fait particulièrement apprécier cette étape.

Couverture ⛅

Pour ce projet en particulier, j’ai dû créer la couverture du livre avant d’avoir entamé les pages qui le composent. C’est une pratique assez commune dans le milieu de l’édition, puisqu’elle permet de partager au diffuseur (l’entreprise responsable de la distribution du livre aux différents revendeurs) davantage d’informations sur l’ouvrage à paraître.

Storyboard 📔

L’objet-livre se concrétise lorsque Marine m’envoit le chemin de fer (des fois appelé maquette). C’est un document, à la taille réelle du livre, qui place le texte sur la page et qui montre l’espace dédié à l’illustration. Il est parfois annoté de directives, plus ou moins longues, sur ce que devait contenir chaque image, c’était le cas ici.

Une page peut être blanche avec seulement du texte, elle peut avoir une illustration détourée sur un fond blanc, l’illustration peut prendre la page entière, avec ou sans cadre, ou une double page complète.

À partir de ce document, je peux établir la composition générale du livre dans un storyboard.

Sans m’attarder trop sur les détails, je situe où est quel élément, qu’est-ce qui est représenté, et je choisis si je suis le chemin de fer ou bien si je prends l’initiative de faire une proposition différente. C’est grâce aux étapes préliminaires que je suis efficace pour la composition du livre. Évidemment, je mets en commun mon avancement avec l’éditrice et je modifie en fonction de ses retours. Je le vois vraiment comme une collaboration, on met en commun nos visions pour que les pages aient une suite logique.

Une page du chemin de fer à la composition.

Crayonnés ✏️

Crayonnés de l’intérieur de la boutique de bonbons.

Dans la frise chronologique plus haut, on voit que les phases “Crayonnés” et “Illustrations finales” sont assez courtes par rapport au reste du projet. En réalité, les phases précédentes ne demandaient pas autant d’investissement de temps que ces dernières ; on parlait d’un mail par jour ou bien d’une heure de recherches, par-ci, par-là. C’est avant tout car, durant cette période, la priorité de la maison d’édition est de peaufiner le texte.

Seulement, une fois le storyboard validé, le projet remplit entièrement mon emploi du temps.

En allouant plus d’heures par jour à l’illustration, j’ai besoin de moins de jours pour présenter mon travail à l’équipe éditoriale. C’est lors de cette étape que les illustrations se remplissent de petits détails. Pour que l’ambiance de chaque page soit explicite à la lecture de mes crayonnés, j’aime les annoter.

Illustrations finales 🌈

Enfin, mon étape préférée : les illustrations finales. Grâce à la préparation, aux recherches et aux crayonnés, je n’ai pas beaucoup besoin de réfléchir à autre chose qu’aux formes et aux couleurs quand je dessine le rendu final. Pour m’assurer que les teintes et que les personnages restent identiques au fil du livre, je m’appuie sur deux documents : la feuille de référence où j’ai compilé des recherches et des points-clés qui sont voués à se répéter, et le storyboard à jour, une page A3 où je colle en place les illustrations terminées, pour voir tout le livre en un coup d’oeil.

Le choix des couleurs est vraiment l’aspect de mon travail qui me plaît le plus.

La Feuille de référence, un document personnel pour m’assurer de la continuité du style.

Cette double page est la première du livre.

Elle introduit l’univers dans lequel se passe l’histoire (un monde magique dans les nuages), les personnages principaux (les jeunes licornes), et l’esthétique générale de l’ouvrage (acidulée et multicolore).

Pour cette double page, l’arc-en-ciel en toile de fond représente la magie du lieu. Les personnages visitent l’usine en dansant, comme envoutés par M. Moustachecorne…

Mais c’est sans savoir qu’il causera bien des problèmes à leur environnement plus tard.

Bon à tirer (BAT) 🎯

Toute dernière étape de création, le bon à tirer est le document final, avec les textes définitifs et les images qui y correspondent. L’éditrice (rôle qu’occupait alors Anthéa Krebs, puis Lucie Bernamont), l’auteur et moi-même voyons alors pour la première fois le livre monté par la graphiste. Nous faisons les derniers ajustements, et le livre est prêt pour l’impression !


Voilà, je vous ai raconté en long, en large, et en travers, comment j’ai illustré ce premier album jeunesse. Entre le mail d’introduction au projet et l’envoi des illustrations finales, il s’est passé un peu moins de six mois, 125 jours ouvrés, avec une pause estivale de deux mois avant la validation du BAT.

Aujourd’hui, j’ai mon livre entre les mains, il est en rayon depuis un mois, j’en parle en interview, je reçois des retours de lecteur, et ça me rend très fière. Mais… Je ne compte pas m’arrêter là ! Tout ce processus, avec ses hauts et ses bas (comme le changement d’éditrice), me fait réaliser que j’adore sincèrement travailler dans l’édition jeunesse. Je suis très heureuse de vous présenter cet album, et encore plus heureuse de faire ce métier. Maintenant, j’ai hâte de faire le prochain livre pour voir comment mes méthodes vont changer et pour avoir de nouveaux challenge à surmonter !

Alors, est-ce que ça vous a plu de découvrir les coulisses derrière ce livre ? 😉

Photo par Léna Desmettre (2022) du livre imprimé, de mon Bullet Journal et de mon carnet de composition fait main ; depuis la sortie du livre, il ne quitte plus mon bureau. Je garde toujours une trace de mes projets dans mon carnet de freelance.



Des liens pour poursuivre la lecture…

En pleine étape de Recherches, j’ai lancé (et terminé) un projet personnel pour gagner en efficacité sur Photoshop et choisir les techniques que j’utiliserais plus tard sur le livre. J’ai illustré un jeu de cartes, MARS 2022 : Le Loup-Garou

Des liens pour explorer…

Où trouver L’Usine de guimauves dans les librairies indépendantes près de chez vous (France)

Le compte Instagram des Éditions Kiwi et Petit Kiwi, pour des romans et des livres jeunesse engagés (FR)

Mon compte Instagram @atelier.traviole pour les dernières nouvelles sur le livre et mes derniers projets (FR)